Des Animaux et des Hommes
Corinne Lesaine, dans les coulisses du cinéma animalier
Le portrait du Dr Corinne Lesaine, vétérinaire pour chiens et chats, consultante indépendante et rédactrice professionnelle.
Magazine « Des Animaux et des Hommes »
Extrait de l’interview :
Elle nous dévoile les coulisses du cinéma animalier, là où un vétérinaire conseil apporte son expertise en sécurisant les conditions de tournage des animaux. Qu’il soit figurant ou acteur, qu’il soit libre ou qu’il partage nos vies, l’animal mérite le respect à l’image comme derrière les écrans. Engagée pour le bien-être animal et les pratiques animo-responsables, c’est pour cette raison qu’elle accompagne dresseurs et cinéastes dans leurs choix et leurs scénarios. Un premier pas vers la professionnalisation de la protection des animaux à l’écran afin d’éviter que de tragiques histoires défraient à nouveau la chronique et que plus aucun animal n’en soit victime.
Quelle est votre dernière expérience de tournage ?
« Ma dernière belle rencontre professionnelle dans ce milieu est avec Manuel Thomas de la Cie Dog Trainer, qui avait été sollicité pour le film « Rémi sans Famille » avec l’un de ses chiens, il les forme quotidiennement pour les préparer à différents rôles, en passant par le spectacle vivant au cinéma. Nous avons travaillé ensemble pour accompagner la réalisatrice Nadège Loiseau et son équipe dans la mise en scène de son film « 3 fois rien », sorti en mars 2022, où Max un superbe border collie, compagnon de vie et de travail de Manuel. Après 3 années de préparation au métier d’acteur-chien, Max doit y tenir un des rôles principaux aux côtés des 3 acteurs. Ce rôle, en somme assez exigeant, nécessitait une préparation des nombreuses péripéties qu’il devait porter à l’écran en tant que chien de SDF au doux nom de « Connard ». Il devait se retrouver à jouer plus d’une 20aine de scènes, de la figuration à la cascade, dans des lieux très différents comme la rue, le métro, un parc ou un appartement, avec de nombreux personnages et sans doublure. Ce qui est rassurant pour un vétérinaire dans ce contexte, c’est que le casting est parfait. Un dresseur professionnel qui travaille avec ses propres chiens et qui sélectionne celui qui sera prêt pour le scénario. Hélas, ce n’est pas toujours le cas, bon nombre de chiens arrivent quelques jours avant et sont dans les mains de dresseurs qu’ils ne connaissent pas juste pour réaliser les prises. Notre rôle de vétérinaire conseil est justement pertinent dès le casting. »
Photos : Avec Max, Border Collie et Manuel Thomas de la Cie Dog Trainer pour le film « Trois fois rien » De Nadège Loiseau
Quels sont les conseils que vous prodiguez par exemple ?
« Je passe en revue tout ce qui concerne l’animal, le casting, les modalités de préparation et d’entraînement, l’environnement idéal au niveau sonore par exemple, la sécurisation des lieux, son état de santé et émotionnel, les difficultés que représentent pour lui les conditions de travail, le temps de repos nécessaire, ses besoins physiologiques de confort, les éventuels imprévus liés aux conditions des tournages, les techniques d’apprentissages, les accessoires à éviter, les alternatives possibles dans la réalisation de la scène si l’animal n’est pas conciliant ce jour-là…et je détaille les signaux d’alerte que peut émettre l’animal en cas de stress ou d’inconfort afin que toute l’équipe puisse en prendre connaissance avant le jour J. La formation et la préparation sont finalement essentielles. Les professionnels animaliers peuvent être juges et partis d’un projet cinématographique, et même s’ils souhaitent prendre soin de leur animal, ils ont souvent besoin de nous comme tierce personne pour avoir un regard extérieur à la situation. J’ai en mémoire une scène où Max doit accompagner les acteurs jouant une scène de « délire » sur un overboard. La préparation a nécessité de nombreuses étapes, de l’habituation du chien à l’engin électrique, puis à l’étroitesse du trottoir, à l’encouragement du chien à y trouver lui aussi du plaisir pour accepter les nombreuses prises puis le moment venu, à accepter toutes les facéties des acteurs qui jouent à leur tour leurs propres rôles sur l’overboard. Le dresseur est alors omniprésent sur ces scènes aux côtés du chien, mais le vétérinaire, lui ne regarde que le chien et ce qu’il exprime. L’animal doit avoir à tout instant le droit de se soustraire d’une situation déplaisante. On comprend alors qu’un chien de particulier non préparé, subitement projeté sur un tel scénario ne peut pas être à l’aise avec ce type d’expérience. »
….A Lire dans le N° d’octobre 2022 du magazine des Animaux et des Hommes