Protection des animaux acteurs en 2023

Protection des animaux acteurs en 2023, vétérinaires et réalisateurs progressent ensemble

Par Corinne Lesaine, revue vétérinaire L’Essentiel, n°678 du 13 au 19 avril 2023,

Où en est la collaboration entre cinéastes, dresseurs et vétérinaires ? Face à une réglementation qui stagne malgré la dénonciation de certaines pratiques de dressage, susciter une prise de conscience par la pédagogie et la professionnalisation offre des perspectives d’amélioration. Mieux vaut prévenir que guérir, surtout lorsqu’il s’agit de placer les animaux dans de meilleures conditions devant les caméras.

Extraits de l’article :

Depuis la suppression du visa de la Fondation 30 Millions d’Amis, il est regrettable qu’aucun label indépendant permettant de garantir l’absence de mauvais traitements des animaux pour les films et lors des répétitions n’ait vu le jour. Un sujet qui replace la profession vétérinaire sur le devant de la scène comme un potentiel acteur, témoin et protecteur de la relation que chacun a à l’égard du vivant. Quel bilan peut-on faire 4 ans après la soutenance d’un mémoire sur la protection des animaux sur les lieux de tournage en France 1 ?

Une mission pour le vétérinaire

La protection des animaux domestiques ou non domestiques et captifs dans les films est techniquement accessible aux vétérinaires. Certains aspects sont déjà réglementés : la surveillance sanitaire, la santé, la sécurité et le bien-être. À l’inverse, d’autres font appel à la connaissance individuelle des animaux sélectionnés pour le tournage, notamment leur tempérament, leurs facultés de pouvoir s’exprimer librement. Seul un accompagnement sur le terrain permet de contrôler le niveau de préparation de l’animal tout comme celui de l’encadrement par l’équipe de production du film.

Changer les pratiques, c’est possible

Un guide de bonnes pratiques, rédigé avec l’aide de vétérinaires, est disponible pour certifier les tournages « No Animals Were Harmed® » (aucun animal n’a été blessé). Ce document recense les conditions à respecter espèces par espèces. Il propose également des certificats de déclaration et d’approbation vétérinaire afin de valider l’utilisation de chatons ou de chiots âgés de 8 à 16 semaines. Pourtant, il arrive que les dresseurs qui suivent ces conseils en développant des méthodes douces et respectueuses du bien-être animal regrettent d’être évincés au moment du casting, au profit de ceux qui suivent des méthodes plus rapides, plus radicales. C’est le cas, par exemple, du recours à la tranquillisation ou à l’anesthésie des animaux à des seules fins de divertissement.

 

L’ARA sensibilise les équipes de tournage

Étendre aux animaux la protection réglementée des plus fragiles comme les mineurs, il fallait oser sauter le pas. C’est chose faite, puisqu’en 2023, fruit d’une collaboration pluri-professionnelle, un 1er guide pratique Abécédaire « Comment tourner avec des animaux », voit le jour, à destination du cinéma français. À l’origine de cette initiative figure Laetitia Pelé, de l’association Assistants Réalisateurs & Associés (ARA), qui regroupe les professionnels de la mise en scène, production et régie, en cinéma comme en audiovisuel 2. Depuis 2015, l’ARA développe et transmet ses valeurs – respect, équité, altruisme, tolérance – dans ces métiers. Le diagnostic est posé : envers les animaux, il s’agit bel et bien d’une problématique à laquelle les équipes de tournage sont trop souvent confrontées ! Il était donc temps d’y remédier avec des solutions adaptées. « L’écriture et la publication de documents originaux comme ce nouveau guide en français à destination des professionnels, réalisé avec l’aide du Dre-Vétérinaire Corinne Lesaine et de la Cie Dog Trainer, est donc une évidence ».

Rôle fondamental du vétérinaire conseil

La fonction de vétérinaire conseil indépendant permet de palier un système fortement perfectible en France puisqu’aucun contrôle n’est réalisé sur les tournages. Encore peu sollicités, les vétérinaires expérimentés dans ce domaine, apportent leurs connaissances précises des besoins biologiques et éthologiques des animaux selon leur espèce, les protègent tout en respectant les impératifs du métier de cinéaste.

Le tournage d’un film, d’une publicité, doit se conformer à la législation en vigueur.

Une obligation de moyens incombe ainsi au réalisateur et à la production pour apporter la protection, la santé, la sécurité et le bien-être des animaux acteurs. Mais c’est essentiellement sur la base de clauses contractuelles de droit privé que sont définies les responsabilités de chacun. Car beaucoup de films se produisent dans des lieux non publics, parfois mobiles et éphémères, sans autorisation particulière, à l’abri des regards. Ces conditions complexifient les vérifications préalables sur place, n’apportant alors aucune garantie d’absence de mauvais traitements les jours de tournage. C’est dans ce cadre qu’une collaboration étroite entre cinéastes, dresseurs et vétérinaires, est légitime et efficace pour garantir une parfaite adéquation entre les séances de travail et les aptitudes naturelles de l’espèce ou des individus sélectionnés, leur évitant ainsi toute situation qui pourrait générer stress, angoisse, douleur ou souffrance.

Par ailleurs, transposer au cinéma une approche comme celle de la règle des 3R (Remplacer, Réduire et Raffiner) associée aux R de Responsabilité et de Replacement de l’animal, serait une initiative bienvenue. Des méthodes de substitution existent, allant de l’éducation positive à l’emploi d’artifices non vivants, d’automates, d’images virtuelles, de montages… Elles apportent tout autant un effet garanti.

(1) LESAINE C., « La protection des animaux sur les tournages pour des productions cinématographiques et publicitaires en France », Mémoire pour l’obtention du Diplôme d’établissement « Protection Animale : de la Science au Droit » (DE PASD, VetAgro Sup), 2018, 49 pages.
2. www.arassocies.com/protection-des-animaux